Damien Hélène, rédacteur en chef d’Altaroc :
Dans quelle mesure un fonds de pension comme PSERS utilise le Private Equity pour le financement des retraites ?
Darren Foreman, ancien directeur du Private Equity pour PSERS :
Il y a mille fois plus d’entreprises privées que d’entreprises publiques. Vous souhaitez donc que cette classe d’actif fasse partie de la diversification des allocations de votre portefeuille, que vous soyez un régime de retraite ou un investisseur fortuné.
A la fin des années 1990, notre CIO (Chief Investment Officer) nous a dit : « Nous devons accroître notre exposition au Private Equity pour aller chercher de la performance ». Comme de nombreux investisseurs et régimes de retraite publics, nous nous sommes ainsi tournés vers le Private Equity pour ses rendements qui, sur une longue période de temps, sont meilleurs que ce vous pouvez obtenir sur les marchés boursiers.
Nous avons ainsi considérablement augmenté notre exposition au Private Equity, notamment en investissant dans le fonds britannique Bridgepoint dès ses débuts et dans le français PAI, rattaché à BNP Paribas, dans lequel nous avons participé au premier fonds.
D.H. : Pourquoi le Private Equity attire autant les fonds de pension ?
D. F. : Avec le Private Equity, vous pouvez espérer atteindre de meilleurs rendements qu’avec les marchés cotés ou même les fonds mutuels, en moyenne supérieurs de 3 points. Les perspectives actuelles du Private Equity sont autour de 10 % - 12 % sur une base nette.
Si votre fonds de pension a un objectif de rendement de 7 % et que vous pouvez atteindre 10 % en Capital-Investissement, même un peu plus, vos retours sur investissement sont là. Vous répondez à vos objectifs de croissance, ce qui bénéficie à votre portefeuille et à votre capital, donc à la capacité de votre fonds à payer ses factures et les pensions de ses bénéficiaires.
D.H. : Comment la part du capital-investissement dans l'actif total de PSERS a-t-elle évolué au cours des 20 dernières années ?
D. F. : À notre pic, au début des années 2000, nous nous engagions à hauteur de 3 milliards de dollars par an pour atteindre 17 % de notre portefeuille. Comme nous avons été parmi les premiers à investir dans le Private Equity à grande échelle, notre développement a été très rapide, plus que prévu. La part allouée au Private Equity est ainsi montée jusqu’à 21 %.
Depuis, cette part est redescendue. En 2007 et 2008, nous avons fait face à la crise financière. Le conseil d’administration a alors décidé de réduire nos objectifs pour avoir une meilleure diversification des actifs, car vous ne pouvez jamais prédire quelle année va être la bonne pour quelle classe d’actifs. Nous avons donc recadré nos investissements pour nous diversifier.
En 2021, le conseil d’administration a souhaité encore se diversifier davantage et a fixé les objectifs du Private Equity à 12 % du plan d’investissement. Aux dernières nouvelles, cette part atteignait 16 % pour quelques centaines de millions de dollars.
D.H. : Quel pourcentage est alloué au Private Equity par les fonds de pension américains ?
D. F. : En moyenne, à travers les Etats-Unis, je dirais que les fonds alloués annuellement au Private Equity représentent 12 % à 14 % des portefeuilles. Du moins, c’est leur objectif. En regardant du côté des fonds universitaires, des fonds de dotation et des fondations, le chiffre monte à 30 %-40 %. Cela dépend de leur système et de leur projet.
D.H. : Vers quelle stratégie de Private Equity - venture, growth, buy-out and ou turnaround - PSERS se tournait le plus ?
D. F. : Durant mes 22 années passées chez PSERS, nous avons majoritairement investi dans du buy-out, en y consacrant près de deux tiers de notre portefeuille. Nous avons pressenti qu’il présentait une meilleure constance de l’investissement en Private Equity. Cependant, il comporte toujours des éléments de risque. Rien n’est sans risque lorsque vous investissez sur les marchés financiers.
Nous nous tournions ensuite vers le growth equity qui offre un meilleur retour sur investissement et diminue le recours au levier financier. Nous avions ensuite un petit pourcentage en Venture Capital, peut-être 10%. Et enfin, des legacy secondary funds que nous avions surtout au début des années 2000.
D.H. : Quelles zones géographiques cible PSERS ?
D. F. : En étant basé en Pennsylvanie aux Etats-Unis, nous avions accès à tous les fonds de Private Equity américains ! Lorsque j’y travaillais, nous mettions également un gros billet sur l’Europe, principalement de l’Ouest. Nos investissements se répartissaient à 60% aux Etats-Unis et à 40% sur les marchés étrangers, majoritairement en Europe auprès de General Partners (GP) comme Bridgepoint ou PAI.
D.H. : De quels secteurs économiques tirez-vous le plus de profits ?
D. F. : Le secteur de la technologie et des logiciels représentait les meilleurs retours sur investissements parce que ce sont des entreprises à la croissance rapide. Les logiciels font de grandes marges et émettent beaucoup de bénéfices. Nous y avons investi à travers des fonds comme Hg Capital et Insight Partners, mais aussi par d’autres firmes comme Bridgepoint. Ensuite, nous avions les business services. Puis après cela, nos industriels, la santé et les biens de consommation.
En bref
La carrière de Darren Foreman
Retraité depuis l’année passée, Darren Foreman a travaillé pour PSERS de 2002 à 2024, exclusivement sur le Private Equity. Après avoir commencé comme analyste, il est devenu gérant de portefeuille, puis est passé sénior avant de devenir directeur du Private Equity de PSERS. Durant ses dernières années de service, il gérait une équipe de quatre personnes et a coprésidé le comité d’application du fonds, une forme de comité d’investissement, aux côtés de James Del Gaudio.
Business ID card
PSERS : pionnier du Private Equity depuis 1985
Fondé en 1917, le Pennsylvania Public School Employees Retirement System (PSERS) est l’un des plus anciens fonds de pension des Etats-Unis. Il assure les retraites des employés des écoles publiques de l'État de Pennsylvanie auprès de 763 établissements.
PSERS gère plus de 75 milliards de dollars d’actifs, assurant ainsi la couverture de 256 000 actifs et 254 000 retraités. Sur l’année 2024, un montant total de 7,7 milliards de dollars a été reversé à ses bénéficiaires, pour une moyenne annuelle de 26 392 dollars par rentier 23.
Le premier investissement de PSERS dans un fonds de Venture Capital remonte à 1985, ce qui marque un engagement précoce dans les actifs non-cotés. En se basant sur le net asset value (NAV), son portefeuille de Private Equity pèse pour plus de 12 milliards de dollars.
23 https://www.pa.gov/content/dam/copapwp-pagov/en/psers/documents/transparency/financial-reports/acfr/psers%20acfr%20fy2024.pdf