La courbe en J

Épisode
6
5:31mn

Résumé

Louis Flamand, notre Chief Investment Officer explique le phénomène de la fameuse courbe en J.

Transcription écrite

Louis Flamand: Maurice explique à l'occasion de chaque webinar de présentation des résultats des millésimes Altaroc, le fameux phénomène de la courbe en J. C'est quelque chose auquel j'ai été confronté durant toute ma carrière en Private Equity. Je devais constamment réexpliquer au senior management l'effet de la courbe en J sur la performance nette d'un fonds en début de vie. Lorsqu'on travaille en Private Equity, on maîtrise ce sujet, mais quand on ne travaille pas dans le capital investissement, on comprend l'effet courbe en J quand on vous l'explique, mais on a tendance à l'oublier assez vite. Ce phénomène de courbe en J est présent dans tous les portefeuilles institutionnels, même les tout meilleurs du monde. Il est purement mécanique et il est lié au fait qu'au démarrage d'un fonds, le poids des frais est important sur un fonds peu investi. Ce poids des frais se réduira au fur et à mesure que le fonds se déploiera dans plus d'investissements et sera amorti par l'appréciation des actifs à partir du 12ᵉ mois. Mais rassurez-vous, il y a 60 ans d'histoire institutionnelle dans le monde de Private Equity et cela fait 60 ans que la courbe en J en surprend encore certains. Elle est parfaitement normale et totalement mécanique. Pour rappel, un fonds de Private Equity dure dix ans. Il a une période d'investissement de cinq ans durant laquelle il bâtit son portefeuille, puis une période de désinvestissement de cinq ans. Concentrons-nous sur la période d'investissement en prenant un exemple. Un fonds de taille 100 est investi en cinq ans à hauteur de 20 % par an.

Louis Flamand: A la fin de l'année 1, le fonds n'a investi que 20. À la fin de l'année 2, il a investi 40 à la fin de l'année 3, 60, etc. Ensuite, prenons pour hypothèse que le fonds va prélever 2 % de sa taille de fonds de 100 en frais de gestion chaque année. On voit bien qu'en début de vie de fonds, le poids de ses frais de gestion est important en % du montant investi par le fonds, mais baisse au fur et à mesure que la période d'investissement avance. Cela signifie que l'impact des frais de gestion sur la performance nette du fonds va s'amoindrir au fil du temps, au fur et à mesure que les investissements vont être valorisés à la hausse. Pour illustrer ce phénomène de courbe en J, on peut ainsi vous montrer à l'écran la courbe d'un fonds historique d'un de nos gérants en portefeuille sur son millésime 2001, de septembre 2001 à juin 2003. Pendant presque deux ans, le fonds a eu une performance nette négative son multiple de mise nette de tout frais était inférieur à une fois à cause de cet effet courbe en J. Il a pourtant généré une performance finale de trois fois la mise nette de tout frais. La question que l'on nous pose parfois est mais pourquoi ? Les frais de gestion sont calculés sur la base de l'engagement si le portefeuille n'est pas encore totalement investi ? En effet, la courbe en J est avant tout créée par le fait qu'en Private Equity, on facture les frais de gestion sur la base de la taille totale du fonds, donc la totalité des engagements des investisseurs durant la période d'investissement.

Louis Flamand: Ces honoraires reçus permettent aux équipes de mener leur recherche optimale d'opportunités d'investissement ainsi que leur diligence sur des actifs complexes et difficiles d'accès car non cotées. Les équipes sont donc rémunérées pour construire et gérer le portefeuille du fonds dans sa totalité. Si les frais étaient calculés sur le montant investi, cela pourrait motiver le gérant à déployer rapidement son fonds pour accroître ses honoraires de gestion. Il pourrait donc manquer de discipline, ce qui pourrait avoir un impact négatif bien plus important sur la performance finale du Fonds. Si les frais étaient calculés sur l'actif net réévalué, le gérant serait aussi encouragé à investir plus rapidement et même à valoriser ses actifs de manière plus agressive en facturant ses honoraires de gestion sur une base fixe. Durant la période d'investissement, le gérant est de facto encouragé à lisser ses investissements sur plusieurs années pour s'exposer à plusieurs points d'entrée et à valoriser de manière prudente ses participations. Il n'est pas encouragé financièrement à accélérer son rythme d'investissement et potentiellement manquer de discipline après la période d'investissement. Les frais sont alors calculés sur les montants investis dans les participations non cédées. Les frais sont donc dégressifs et décroissent au fur et à mesure des cessions. Les équipes ne reçoivent pas d'honoraires pour gérer des participations cédées. J'entends parfois aussi dire que l'avantage des fonds secondaires de Private Equity, c'est qu'il n'y a pas de courbe en J.

Louis Flamand: En effet, les fonds secondaires achètent des positions d'investisseurs dans des fonds, le plus souvent avec une décote, ce qui se traduit comptablement par une revalorisation à la hausse immédiate de leur investissement puisque la revalorisation est immédiate. Le rendement annualisé TRI au départ paraît élevé, mais cet effet bonus ne se produit qu'une fois. Le TRI d'un fonds secondaire se tasse alors significativement avec le temps. Comme vous pouvez le voir avec la courbe en J sur le graphe qui apparaît à l'écran du fait de la courbe en J, les fonds primaires ont un TRI initial négatif mais qui s'améliore ensuite à mesure que les investissements sont faits, revalorisés à la hausse, puis cédés. En termes de multiple. Désormais, du fait de la revalorisation immédiate, les fonds secondaires qui achètent avec une décote à l'entrée affichent un multiple de mise favorable dans les premières années. À l’inverse, les fonds primaires subissent la courbe en J et affichent un multiple défavorable au démarrage. Avec le temps et mécaniquement, un bon fonds primaire fait plus que compenser cet écart et ciblera typiquement une performance finale de deux fois la mise nette ou même plus, alors que les fonds secondaires de qualité comparables livreront plutôt 1,5 fois la mise nette. Ces analyses expliquent notre choix stratégique de concentrer nos millésimes sur des fonds primaires de premier plan, dans la mesure où notre ambition est de livrer une performance optimisée sur la durée et non à court terme.

Dans cette série

Autres vidéos