Interview Jeff Wessler - CEO Heartbeat
Résumé
Transcription écrite
J'ai maintenant deux jeunes enfants, mais lorsque j'ai démarré l'aventure Heartbeat, cela faisait trois mois seulement que ma femme avait accouché de notre aîné. C'était, comme vous pouvez l'imaginer, une période assez intense pour avoir un nouveau-né et créer une nouvelle entreprise. Et si je n'avais pas réellement aimé ce que je faisais au quotidien, je ne suis pas sûr que j'aurais continué. Mais j'ai vraiment senti dès le début que c'était ce que je voulais faire. J'aimais le monde des startups, j'aimais créer, et j'aimais l'idée de pouvoir développer un produit susceptible d'aider un grand nombre de personnes.
Bonjour à tous, je suis Damien Helene, rédacteur en chef d'Altaroc. Aujourd'hui, j'ai le plaisir de vous emmener à New York, plus précisément dans le quartier de West Village. C'est là que se trouve le siège de Heartbeat, une entreprise de télémédecine spécialisée dans les services de cardiologie virtuelle. Son CEO, Jeffrey Wessler, est cardiologue, entrepreneur et leader reconnu dans le domaine de la santé numérique. Il est diplômé du Williams College, de Cambridge et de l'université de Harvard. Il nous accueille dans son bureau pour évoquer son passionnant parcours, et les raisons qui l'ont poussé à créer sa propre entreprise avant d'obtenir un financement auprès du gérant américain Cressey.
Bonjour. Je suis ravi d'être ici et j'apprécie vraiment d'avoir l'occasion de vous en dire plus sur ce que nous sommes en train de construire chez Heartbeat. Je suis cardiologue généraliste de formation. J'ai travaillé dans le milieu universitaire pendant un certain temps, j'ai pris en charge des patients en stade très avancé et j'ai fait beaucoup de recherches pour savoir comment on pouvait mieux soigner ces patients. Au milieu de ma carrière, en 2017, j'ai pris conscience d'un véritable problème. Je travaillais dans un centre de soins universitaire qui accueillait les patients les plus gravement atteints. Et je me suis demandé : que met-on réellement en place avant d'en arriver là ? Qu'apporte-t-on aux patients, en termes de soins cardiovasculaires et de services cardiologiques, avant qu'ils ne tombent malades ? Lorsque j'ai commencé à regarder un peu autour de moi, j'ai constaté deux choses. Premièrement : qu'il n'y avait pas vraiment d'efforts systématiques, à grande échelle, pour cibler les patients avant qu'ils ne développent des troubles cardiovasculaires graves. Deuxièmement, que la technologie progressait à un tel point en 2017, que nous disposions d'un grand nombre de nouveaux outils susceptibles de nous aider à soigner les patients à un stade plus précoce de leur maladie. Et pourtant, nous ne faisions rien pour réellement mettre en œuvre ces soins et en faire profiter la population.
Cette réflexion m'a amené à prendre une décision difficile, celle de quitter le milieu universitaire et de créer une entreprise, Heartbeat Health, avec l'objectif de prendre en charge et de soigner ces patients plus en amont. J'ai d'abord assumé le rôle de fondateur de l'entreprise. C'était ma première entreprise. J'avais beaucoup travaillé sur l'aspect entrepreneurial en concevant et en brevetant des appareils pour le cœur, en créant une application de messagerie mobile pour les patients souffrant d'insuffisance cardiaque. Mais je n'avais jamais vraiment créé une entreprise privée à proprement parler auparavant.
Au début, c'était un peu étrange pour moi de me dire : "Je vais exercer une fonction exécutive et devenir CEO". Mais j'ai rapidement appris, sur les conseils de certains de mes premiers mentors et collègues, qu'il était important pour moi d'envisager ce rôle de CEO et de fondateur d'une nouvelle entreprise afin de réellement incarner ce que je tenais à construire. Les premières années, cela m'a coûté beaucoup de sueur et de larmes. J'ai compris qu'il allait falloir m'approprier la fonction, me convaincre qu'il ne s'agissait pas juste d'un projet secondaire, mais bien d'une entreprise que l'on construit et dans laquelle on met toute son âme. Et le fait d'en devenir le CEO était crucial. J'ai maintenant deux jeunes enfants, mais lorsque j'ai démarré l'aventure Heartbeat, cela faisait trois mois seulement que ma femme avait accouché de notre aîné. C'était, comme vous pouvez l'imaginer, une période assez intense pour avoir un nouveau-né. Et, si je n'avais pas réellement aimé ce que je faisais au quotidien, je ne suis pas sûr que j'aurais continué. Mais j'ai vraiment senti dès le début que c'était ce que je voulais faire, car j'aimais le monde des startups, j'aimais créer, et j'aimais l'idée de pouvoir développer un produit susceptible d'aider un grand nombre de personnes. Mais je pense aussi que cette motivation m'a aidé à m'approprier le rôle et à ancrer l'envie de voir aboutir ce projet.
C'est ainsi que, malgré ce désordre qui régnait dans ma vie à ce moment-là, j'ai pu trouver la sérénité et la force nécessaires pour développer Heartbeat. Heartbeat est une société de cardiologie virtuelle. Nous sommes un grand groupe médical. Notre équipe se compose de cardiologues, spécialisés et généralistes, de praticiens expérimentés, d'infirmières, de coordinateurs de soins, d'assistants médicaux, tous voués à fournir des soins en cardiologie à grande échelle à des millions de personnes aux États-Unis. C'est simple, notre mission consiste à améliorer les résultats et la santé de millions de personnes. Les troubles cardiovasculaires sont parmi les plus fréquents et les plus destructeurs pour la vie des populations. Près d'un Américain sur deux souffrira un jour d'une maladie cardiaque, et notre système de santé ne fait pas assez d'efforts pour prendre en charge et traiter ces patients avant qu'il ne soit trop tard, avant qu'ils ne soient si malades que la seule chose qui reste à faire, soit de tenter d'empêcher le stade suivant. Ce que nous essayons de faire, c'est d'anticiper et d'empêcher la progression ou l'aggravation de la maladie. En tant que société de cardiologie virtuelle, Heartbeat repose sur un modèle de médecine à distance. Nous proposons des consultations en visio, des consultations asynchrones et des diagnostics cardiaques à distance pour garantir des soins efficaces. Et ça marche. Il est possible de fournir de nombreux soins cardiovasculaires de très haute qualité sans qu'un patient ne doive se présenter physiquement dans un cabinet. Cette année, nous avons accueilli notre millionième patient. C'est une étape importante.
Quand je repense aux premiers jours, je n'aurais jamais pensé que nous pourrions, si rapidement, toucher autant de personnes et aider autant de patients à travers le pays. Je suis très fier de l'équipe et du travail accompli pour atteindre un million d'interactions avec les patients. Dans mon esprit, c'est un million de personnes que nous avons pu vraiment aider. Une autre étape a confirmé notre modèle. Depuis le début, j'ai toujours pensé, et cela vient en partie de ma formation universitaire, qu'il était important d'étudier ce que l'on fait, de rassembler les preuves que le modèle de soins fonctionne. À lui seul, le succès de l'entreprise ne suffit pas. Il faut un modèle qui soit en mesure de prouver que les soins sont réellement efficaces en montrant les résultats, en les comparant à ceux des patients qui ne bénéficient pas de l'intervention, puis en démontrant qu'ils sont meilleurs pour le groupe de patients pris en charge par Heartbeat. Nous avons donc pris cela à cœur et nous avons étudié de manière assez rigoureuse tout ce que nous avons fait. Et cette année, nous avons publié notre premier essai contrôlé randomisé. Nous avons ainsi suivi un certain nombre de patients après une hospitalisation cardiaque, en plaçant la moitié d'entre eux dans un groupe pris en charge par l'équipe de Heartbeat, et l'autre moitié dans un groupe recevant des soins cardiologiques standard de haute qualité. Nous avons observé leur évolution dans les 30, 60, 90 jours suivant l'hospitalisation. Heartbeat est parvenue à réduire le taux de réhospitalisation de près de 45 % pour les hospitalisations toutes causes confondues et de plus de 50 % pour les hospitalisations cardiaques. C'est tout simplement exceptionnel. Cela signifie que parmi ces patients gravement malades, beaucoup ont pu éviter un nouveau séjour à l'hôpital, ce qui est l'un des objectifs les plus importants dans la prise en charge des maladies cardiovasculaires et en particulier de l'insuffisance cardiaque. Nous avons publié cette étude dans la revue médicale britannique BMJ un peu plus tôt cette année. J'en suis extrêmement fier.
Cressey est notre premier investisseur en Private Equity. Avant eux, nous avons bénéficié de l'aide de plusieurs fonds stratégiques et de Venture Capital vraiment formidables. Et lors de notre dernière levée de fonds, menée par Cressey, Heartbeat s'en sortait très bien. Notre croissance était très rapide, ce qui suscitait beaucoup d'intérêt de la part de la communauté des investisseurs. J'ai passé beaucoup de temps à analyser les fonds car nous voulions vraiment trouver un investisseur et un groupe qui puissent nous aider dans la suite de notre aventure, et ce jusqu'à la sortie. Nous recherchions un partenaire qui 1) comprend ce que nous faisons, 2) a l'humilité de dire "nous allons apprendre beaucoup ensemble sur ces marchés et le fonctionnement de votre modèle de soins". Nous ne voulions pas qu'une feuille de route toute faite nous soit imposée sur la manière dont les choses doivent se passer. Nous cherchions quelqu'un qui soit en mesure d'évoluer au gré des besoins changeants de l'entreprise au fil du temps. Et 3), un groupe de personnes avec lesquelles nous étions prêts à partager ce processus intime de construction d'une entreprise pour les années à venir. Cressey a rempli toutes ces conditions. Ils ont été un partenaire vraiment fantastique, qui maîtrisait son sujet. Ils comprenaient le secteur de la santé comme aucun autre parmi ceux avec qui j'avais été en contact. Ils nous ont soutenus et aidés dans notre démarche visant à comprendre et à continuer à développer ce marché. Et je dois dire que depuis qu'ils nous ont rejoints et qu'un partenariat de confiance s'est créé entre nous il y a un an, nous avons presque triplé notre chiffre d'affaires. L'entreprise est devenue rentable et plus solide que je ne l'avais imaginé. L'important pour l'instant, c'est d'assurer notre capacité d'exécution. Nous devons faire preuve de cohérence dans les soins que nous dispensons, qui ont été multipliés par trois au cours de l'année écoulée. Nous devons continuer à offrir des soins de qualité supérieure. Viser l'excellence pour chaque interaction, sans exception. Mais aussi en matière d'accès aux soins. Nous devons garantir notre capacité à offrir des soins le jour même, dans la semaine, à nos clients, à nos patients. Et surtout, notre modèle économique doit être autonome. Nous devons être rentables, et veiller à améliorer notre structure de marges afin de devenir une entreprise saine capable de se développer par elle-même, avec un profil économique vraiment solide, de sorte que nous puissions envisager une sortie forte. Tout se passe bien jusqu'à présent, et je suis convaincu que nous saurons gérer au mieux les obstacles qui ne manqueront pas de se dresser sur notre route. Mais pour l'instant, nous enregistrons des performances exceptionnelles.
L'arrivée de Cressey nous a donné la certitude que nous disposions d'une firme de Private Equity mature, à même de nous aider à orienter notre feuille de route pour les prochaines années. Certes, nous avions fait du bon travail, nous avions trouvé les bons moyens d'avancer et notre modèle de soins fonctionnait remarquablement bien. Mais nous avions besoin de cette maturité, de ce soutien. Et pas seulement en termes de capital, mais aussi en termes d'infrastructure. Cressey et son équipe nous aident sur les questions de finance, de recherche de talents, de coaching des cadres, de ressources humaines et, bien sûr, d'investissement. C'est un partenaire très complet, qui est là pour nous aider. Je me sens donc en totale confiance, car je peux désormais compter sur une équipe qui nous aide à prendre les bonnes décisions et nous assure le soutien nécessaire pour aller de l'avant. Je ne me suis jamais épargné, mais vous savez, j'ai joué au squash dans mon enfance et ce sont souvent mes amis et collègues qui m'ont poussé à m'améliorer. L'un de mes camarades de lycée, Will, a commencé à jouer au squash à peu près en même temps que moi et il visait toujours plus haut. Je me suis beaucoup amélioré grâce à lui. Avec Cressey, c'est un peu la même chose. J'aime être sur le terrain avec eux, en quelque sorte. J'aime cette interaction, qui nous pousse à nous améliorer. Cressey n'est pas ce genre de firme qui impose la manière dont les choses doivent se dérouler, qui vous force à entrer dans le moule, au risque de vous retrouver en difficulté. Nous allons discuter des différentes options, essayer de trouver le meilleur chemin, et le parcourir ensemble. Et ce n'est pas seulement très amusant, c'est aussi un modèle qui fonctionne et qui a fait ses preuves. Heartbeat vend principalement ses services aux organismes payeurs, aux compagnies d'assurance et aux entités qui supportent les risques, comme les grands groupes de prestataires. C'est un marché en pleine croissance, en particulier dans le cadre des régimes de santé Medicare et Medicare Advantage, et nous constatons un taux d'adoption élevé. Nos soins se vendent bien. Le modèle est performant. L'entreprise est performante.
Dans les prochaines années, la question de l'échelle sera cruciale. Nous voyons autant d'opportunités que d'organismes payeurs dans le pays. Nous devons atteindre le niveau de qualité le plus élevé possible. Et j'aime à penser que nous avons trois ou quatre ans d'avance sur le marché en ce qui concerne le modèle de soins virtuels. Il y a deux choses importantes à faire de façon systématique selon moi si nous voulons atteindre l'excellence. Tout d'abord, montrer que les soins fonctionnent. Prouver, démontrer nos résultats, les étudier, en rendre compte, les publier, pour montrer que les soins virtuels fonctionnent vraiment. Ensuite, toujours fournir la meilleure qualité qui soit. Vous ne pouvez pas faire de compromis sur la qualité. Jamais. C'est ce qui permet aux grands systèmes de santé et aux grands prestataires de soins de rester au sommet de leur art : s'assurer que la qualité des soins passe avant tout. Et à mesure que l'on grandit, cela devient plus difficile. Nous travaillons donc d'arrache-pied pour déployer des solutions nous permettant d'évaluer la qualité de nos soins afin de toujours rester les meilleurs du marché.

